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Faisons parler les photographies des militaires.

Aux sources de l'Ardèche, l'histoire continue pour les descendants d'Émile Bardine

(familles Vidal, Julié, Fauvain, Teleki, Coffy, Autechaud, Valette, Allys, de Loynes, Labit, Weinmann, Fabre, Revel, etc.)

Ne bougez plus, ne respirez plus ! Photo...

Fouiller dans les boîtes de vielles photographies est un passetemps où le rêve et l'imagination nous transportent dans les temps passés de nos parents et ancêtres. Si vous prenez la loupe et que vous éclairez la photo argentique, vous pouvez pénétrer encore un peu plus dans l'intimité des personnages en scrutant les détails de leur visage, de leur expression, de leurs habits et de la scène. Les photos de militaires ont toujours attisé ma curiosité. Les questions alors s'enchaînent : qui était ce personnage, quel âge avait-il quand le photographe a déclenché l'obturateur de l'appareil ? L'uniforme se lit comme un livre d'image : galons, grades, numéro de régiment, ancres de marine, grenades, affut de canon, décorations commémoratives de campagnes ou de faits d'armes, etc. Et alors il faut se plonger dans la science des uniformes, les reconnaître selon leur époque, et acquérir les bases puis l'expertise des antiquités militaires (militaria) et de la phaléristique (histoire des ordres et décorations). Notez bien que les décorations obéissent à un protocole très rigoureux et que pour un militaire il est obligatoire de les porter : cela permet de reconnaître d'un seul coup d'œil le parcours du militaire en question, et le respect qu'on lui doit, quelque soit son grade.

Voici quelques exemples qui nous intéressent :

Émile Bardine (1860-1941) sur la Dévastation, cuirassé de premier rang : au dos de cette photo mon père avait écrit Émile Bardine, ce qui facilite la recherche. Il revêt l'uniforme d'un marin en tenue d'été panachée (coiffe blanche, pantalon blanc et vareuse bleue). A y regarder de plus près, l'entretien des chaussures laisse à désirer et le bonnet de marin légèrement penché sur le côté donne un côté décontracté à ce jeune marin qui porte des moustaches à aiguilles. Autour du personnage sont disposés les indispensables accessoires de l'époque : une grille en fer forgé pour s'accouder et un fond de papier peint végétalisé. Au grossissement le ruban du bonnet de marin on déchiffre l'inscription "...VASTATI..." qui permet d'identifier son affectation ; en effet le registre matricule conservé aux archives de la marine à Toulon (photocopié par Jean Vidal), indique qu'il était sur le cuirassé Dévastation du 15 février 1885 au 3 juillet 1886. Émile est donc âgé de 25 ans environ. Nous reviendrons sur les cuirassés dans un prochain post.

La dévastation.

Second maître Émile Bardine : Cette photo d' Émile Bardine m'a donné beaucoup de fil à retordre, non pas pour l'uniforme qui est celui d'un officier marinier du grade de second-maître (un galon doré en chevron sur les manches), mais pour la décoration qui lui a été attribuée.

Émile a pris du grade mais le visage reste jeune ; le front est large, à peine dégarni, le nez droit, les aiguilles des moustaches plus longues, et le regard plein de charme. Mais, mesdemoiselles, un détail d'importance, nous montre que son cœur est déjà pris car il porte une alliance à l'annuaire de la main droite. Jean Vidal nous a indiqué qu'Émile avait épousé, à Jaujac le 29 janvier 1890, la jeune Marie Augustine Célina Chabert, tout juste âgée de vingt ans. Revenons à la décoration et agrandissons la photographie. Le registre matricule conservé aux archives de la Marine a Toulon ne mentionne pas cette décoration, mais seulement la médaille coloniale (décernée en 1896 pour sa campagne de Tunisie de 1881) et la médaille militaire (décernée en 1905). J'ai passé des mois à consulter et à chercher quelle pouvait être cette première médaille attribuée à Émile. Je me suis orienté vers les ordres coloniaux pour enfin arriver à l'ordre royal du Cambodge. J'ai ensuite scruté les sites de ventes aux enchères de militaria pour chiner les médailles d'Émile que vous pouvez voir dans les photos ci-dessous. Puis plusieurs années après j'ai trouvé dans une vieille malle du grenier le diplôme daté du 9 mai 1890 portant la mention de nomination d'Émile au grade de chevalier de l'ordre royal du Cambodge. Cette nomination a piqué ma curiosité : pour quelle raison a-t-il donc été reçu dans cet ordre colonial ? Le livret matricule est très succinct, si ce n'est qu'il indique ses affectations à bord de l'Alouette du 20 mars 1887 au 7 novembre 1889 puis de l'Annamite du 7 novembre au 15 décembre 1889. La réponse se trouve en effet dans ces affectations et je vous raconterai prochainement cette histoire qui nous conduira sur les rapides du fleuve Mékong ; le titre de ce blog prendra alors tout son sens.

Émile au moment de quitter la "Royale" pour partir à la retraite : lorsque Émile prend sa retraite le 21 mars 1906, après 25 années dans la marine, et pas un jour de plus, il a atteint le grade de premier-maître canonnier et comme tout officier marinier supérieur, il a l'honneur de porter le sabre. Les autres caractéristiques de son uniforme incluent bicorne, gants blancs, une épaulette à franges dorées. On retrouve ses trois médailles. Ses moustaches avec barbichette font penser à l'empereur Louis-Napoléon.

Camille Chabert (1875-1956), beau-frère d'Emile : je vous invite à vous reporter au post du 21 avril 2016 pour revoir les campagnes de Camille Chabert, le frère de Marie Augustine Célina, notamment pendant la grande guerre et la bataille de Verdun. Voici une photo prise vers 1925, avec les médailles qui illustrent ses faits de guerre. J'ai encore utilisé la loupe pour les identifier, mais c'est assez facile. On y distingue la légion d'honneur qui lui a été décernée en 1920, la médaille militaire, attribuée alors qu'il était sous-officier en 1915 après 20 ans de services, la croix de guerre avec citation à l'ordre de la division (étoile d'argent), la médaille interalliés et la médaille commémorative de la Grande guerre. J'ai rajouté celles qui ne figurent pas sur la photographie : la croix du combattant crée en 1930 et la médaille de Verdun que j'ai obtenue pour lui en 2016.

Robert Vidal (1923-2002), petit fils d'Émile Bardine, petit-neveu de Camille Chabert : Robert, marsouin du 4ème régiment d'infanterie coloniale, caserne Grignan à Toulon, a été engagé en Indochine où il fut fait prisonnier du Vietminh. Présumé décédé le 9 mars 1952, il sera libéré le 25 décembre 1953, après 21 mois d'une dure captivité : une immense joie, le jour de Nöel. Pouvons-nous imaginer l'intense charge émotionnelle et psychologique de cette période sur la famille ? Nous, qui étions à peine né à cette époque, l'avons ressentie. Il a ensuite servi en Algérie, au Maroc, en Allemagne. Sur cette photographie en noir et blanc de 1967 il n'est pas facile de distinguer ses décorations, mais j'ai été aidé par Bruno Vidal. Ce sont les suivantes : légion d’honneur, croix de guerre TOE (territoires d'opérations extérieures), croix de la valeur militaire, croix du combattant, médaille d’outre-mer (ou coloniale), médailles commémoratives de la campagne d’Indochine et des opérations de sécurité et de maintien de l’ordre AFN (Afrique du Nord), agrafe Algérie. Il reste un trou pour la deuxième médaille de la deuxième ligne ; ce pourrait être la médaille des évadés (ruban vert avec trois bandes verticales orange), car il a fait plusieurs tentatives d'évasion ce qui a aggravé ses conditions de captivité. Mais selon le protocole du port des décorations, elle aurait du être placée avant la croix du combattant.

Voici la médaille des évadés : ne pensez-vous pas que les couleurs peuvent correspondre ? Il faut être "anti-daltonien" pour voir les couleurs à partir des nuances de gris d'une photo en noir et blanc. Qui nous donnera la bonne réponse ?

Enfin il faut noter que Robert a été promu officier de la légion d'honneur en 1999, au titre des prisonniers du Vietminh. Selon Yves Gignac, le premier ouvrage traitant de la captivité des prisonniers du Vietminh, écrit par un ancien prisonnier, est précisément "Les îles de la nuit, un goulag jaune", celui-là même que publia Robert en 1976. "Une blessure s'est rouverte après 23 ans, plus lancinante, plus douloureuse que les zébrures de ma poitrine écorchée par les soldats vietnamiens..." Tout est dit dans l'avant propos de son ouvrage.

Son parcours militaire est comparable à celui du capitaine Camille Chabert, pour les opérations de guerre auxquelles ils ont participé ainsi que pour leur détention dans des camps de prisonniers de guerre, à 40 ans d'intervalle. Robert est à rapprocher de son grand-père, l'un ayant servi en Indochine pendant la période de colonisation, et lui pendant la guerre de décolonisation 60 ans après.


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