Vol de nuit : Émile, fidèle jusqu'au bout de sa mission.
Suite du post du 5 mai 2017.
Le billet d'aujourd'hui retrace les dernières années de la vie d'Émile, dans les années 1930-1940 ; c'est l'époque des pionniers de l'aviation postale et de l'aviation civile que l'on évoquera aussi.
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L'aviation postale et de l'aviation civile vers l'Amérique du Sud et l'Extrême-Orient dans les années 1930
Le commentaire d'Émile
"Depuis le mariage de Lucien et son départ à Toulon nous restons trois au mas de La Roche, mon épouse et sa mère qui atteint 90 ans, et moi-même. Je m'astreint à continuer l'exploitation des terres de mes ancêtres, cela me donne à la fois une utilité sociale et des occupations rythmées par les saisons. Mais petit à petit je constate que le caractère de Célina s'aigrit, qu'elle devient irritable et susceptible. J'en arrive à être obligé de lui interdire l'accès à la cave. Nos enfants et petits-enfants viennent régulièrement pendant le temps des vacances retrouver leurs racines et leurs familles à Jaujac. A cette occasion Hélène et Camille m'ont offert à lire un ouvrage qui a eu un immense succès, Vol de nuit, de Saint-Exupéry. J'ai lu et relu ce roman sur les aviateurs qui tiennent à bout de bras l'acheminement du courrier au-dessus de la Cordière des Andes ou au fin fond de la Patagonie ; ce sont de véritables pionniers comme nous l'avons été sur les rapides du Mékong. Leur mission ne souffre aucune faiblesse et exige un surpassement et une soumission totale aux exigences du chef et des objectifs. Mais en retour ils éprouvent un immense bonheur qui est leur récompense pour le devoir accompli. Cette histoire m'a rappelé ma jeunesse sur la canonnière Alouette. Les progrès de l'aviation vont maintenant permettre de relier Paris à Saigon en 5 ou 6 jours alors que nous mettions plus d'un mois au départ de Toulon.
De là un clin d'œil à Adam Teleki, le mari d'Anne-Marie Vidal :
Comment résister au plaisir d'évoquer le cousin qui fut dans les années 1970-80 l'un des pionniers de l'industrie aéronautique d'hélicoptères ; il s'agit d'Adam Teleki, ingénieur d'essai en vol, détenteur du World Record for Distance in a Straight Line-Helicopters, et qui fête cette années ses 80 ans. Nous voyons ci-dessous dans quelle position extrême il manœuvre son prototype de Tigre, défiant apparemment les lois de l'aérodynamique. Nous lui souhaitons bon anniversaire !
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Tigre PT3, prototype PAH2, piloté par Adam Teleki (Flight Test Engineer)
Un vol de nuit, dans une nuit peuplée de sorcières et de dragons gardant l'entrée de domaines interdits. Revenons aux années 1930 lorsque les petits enfants d'Émile venaient à Jaujac. Jean nous en a conté quelques souvenirs dans une lettre d'avril 2012 : "Chaque année nous venions passer un mois de vacances à Jaujac et logions chez nos grands parents. Émile était mon parrain et j'en ai gardé un excellent souvenir, mis à part qu'il avait perdu la foi, sans doute parce qu'à Jaujac il fréquentait bien des incroyants. Mais vu l'ambiance, que par sa conduite, créait notre grand-mère, l'atmosphère n'était pas des meilleures. Elle nous disait avec mépris : vous vous n'êtes que des Vidal, moi je suis une de Larnage et je descend des princes d'Orange...
Jean, probablement troublé par cette sorte d'insulte sur son patronyme, passera des années à rechercher la vérité sur cette filiation étrange avec le comte de Larnage. Il démontrera qu'effectivement son arrière-grand-mère, Louise Célina Berger, était juridiquement "en possession d'état d'enfant légitime" de Henri Hilarion de Larnage, mais que celui-ci ne descendait pas des princes d'Orange ; il appartenait à l'illustre famille dauphinoise des comtes Adhémar de Monteil de Brunier de Larnage. Jean poursuit sa lettre : "Émile portait toujours sur lui les clés des locaux où il entreposait du vin. De son côté sa femme veillait jalousement à ce que personne ne puisse entrer dans sa cuisine... Ma mère aimait beaucoup son père. Par contre elle n'avait pas confiance en sa mère au point que pour la nuit elle fermait à clef nos chambres. Quant à l'arrière-grand-mère Louise Célina, elle restait dans sa chambre, du moins pendant notre séjour. Nous n'allions la voir, nous les enfants, que de temps à autre et toujours brièvement. Elle décéda en 1932."
Ainsi les vacances à La Roche avaient vraiment un cadre extravaguant et inquiétant pour de jeunes enfants qui auraient pu faire quelques cauchemars dans lesquels des sorcières et des dragons s'agitaient fébrilement autour d'eux. Les garçons Vidal allaient aussi chaque année en vacances à St Jean-le-Centenier chez l'oncle curé Auguste Vidal. Et là ils sont restés célèbres pour leur comportement espiègle et turbulent, bien souvent sous l'instigation de Robert. Dans cette période d'enfance Camille fils, sera toujours animé d'un respect indéfectible pour Jean, l'aîné. Il se sentira un peu le subordonné de Robert qui le conduisait dans toutes sortes d'aventures. Tandis que Raymond sera le petit dernier qui se rebellera parfois contre ses frères. Marie-Josèphe, toujours appelée Nénette, sera l'unique cousine bien aimée.
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Les petits-fils d'Émile : Jean, Robert et Camille (fils) vers 1930 ; Raymond vers 1939
A nouveau et encore la guerre, en 1939-1945. La période 39-45 sera difficile pour la famille, comme pour la majorité des français. Dans un post précédent nous avons remémoré le naufrage du contre-torpilleur Maillé Brézé qui, le 30 avril 1940, sombra dans le port de Greenock emportant plusieurs des marins enfermés dans la coque, comme Gaston Bollard (voir post du 13 septembre 2016).
Puis le 13 août 1941, Émile Bardine s'éteint à l'âge de 80 ans à Jaujac ; il fut cultivateur presque jusqu'à la fin de sa vie. Il n'aura pas connu le sabordage la flotte à Toulon, un évènement qui marquera Camille et ses fils, la ville étant couverte d'un épais nuage de fumée après les explosions fantastiques au petit matin du 27 novembre 1942. Peu de temps après, le 26 juin 1943, Célina meurt à l'hôpital d'Aubenas. A ce moment la France est encore majoritairement pétainiste, mais elle est divisée et la guerre civile gronde. L'abbé Auguste Vidal est menacé par des résistants dans son presbytère de St-Jean-le-Centenier, et Camille (père) est rançonné à Jaujac. Certains services de la Marine ont été rapatriés à Vals-les-Bains ; c'est ce qui permettra à Lucien de demander à suivre ces services et à revenir s'installer à Jaujac. En aidant sa belle-soeur qui est veuve, l'accident se produit : alors qu'il fend du bois, il reçoit une écharde dans l'œil ; celle-ci va y rester près d'un an puis provoquer un abcès fatal. Lucien meurt à l'hôpital d'Aubenas le 13 mai 1945.
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Jean, Camille père et Camille fils au printemps 1944 à Toulon :
où vont-ils d'un pas aussi décidé ?
Après la guerre la nouvelle génération voit le jour, Anne-Marie, Jacquis, Jacqueline, etc. jusqu'à 20 cousins et cousines, puis une quatrième et maintenant une cinquième génération suivent après Émile. Ainsi se termine l'histoire d'Émile Bardine, le premier maître canonnier qui vécut à Toulon, à Jaujac et sur les mers du globe, et qui fut un des pionniers des rapides du Mékong dans sa jeunesse.
Tout les billets envoyés sur ce blog depuis une année ont été écrits et réalisés grâce aux contributions de Jean Vidal pour ses travaux généalogiques considérables, de Nénette (Marie-Josèphe Julié) pour les souvenirs qu'elle nous a communiqués, de Camille Vidal pour ses archives familiales conservées à Mirabel, de Marie-Hélène Valette pour plusieurs documents familiaux, et enfin de Marie-Elisabeth Vidal pour ses relectures critiques. A bientôt pour la cousinade.
Voici encore quelques photographies :
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Vacances à La Roche vers 1945 : Camille et Hélène
(c'est ici qu'aura lieu la cousinade le samedi 27 mai 2017)
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Hélène telle que nous l'avons connue dans les années 50-60, avenue de Siblas à Toulon
Vous pouvez relire les épisodes de l'histoire d'Émile et de vos racines aux sources de l'Ardèche :
Cent ans après, le 10 avril 2016, il reçoit la médaille de Verdun : Camille Chabert. - Apprenti marin : une nouvelle vie à Toulon, et une expédition en Tunisie. - Faisons parler les photographies des militaires. - A l ‘école de canonnage et sur les cuirassés les plus modernes. - Bonjour affectueux de Cochinchine, arrivé à Saigon, long voyage, santé bonne, amitiés à tous. Émile. - Choléra, paludisme, fièvres et diarrhées ! Voilà ce qui attend le marin en Cochinchine. - Nous avons pactisé avec le dragon, gardien de l’entrée du royaume du Laos sur le Haut-Mékong. - Le train pour Jaujac ? Trop tard. - Danse hongroise n°5. - L’Amiral se retire à Jaujac. - Bonne et heureuse année 1916. - The Kid ou Emile père et grand-père. - Vol de nuit : Émile, fidèle jusqu'au bout de sa mission.